Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
parler fait fuir les betes
parler fait fuir les betes
Publicité
Archives
4 juillet 2007

VII

Je ne peux pas faire autrement que me conduire toujours comme si je ne pouvais prétendre qu’aux miettes que la vie m’abandonne, ce n’est pas un complexe d’infériorité ou une humilité exacerbée, c’est juste que je ne suis pas sûr qu’elle autre chose à m’offrir. Nous allons dans un café situé au bas de l’immeuble. Emma semble y avoir ses habitudes car le serveur la salue par son prénom à notre arrivée. Nous nous installons à une table un peu à l’écart, moi un peu gêné, elle, elle semble dans son élément mais à vrai dire, au bureau elle semble aussi dans son élément. C’est toute la différence entre des personnes comme Emma qui trouvent leur place instinctivement quel que soit l’endroit et d’autres comme qui comme moi donnent l’impression de perpétuellement s’excuser d’être là. Le serveur arrive instantanément  pour prendre notre commande. Il faut dire qu’à cette heure-ci, les clients sont rares. Sans surprise, nous prenons deux grands cafés. Je souris gauchement, pour me donner une contenance, je fais mine de regarder autour de moi, pour découvrir les lieux, sauf que, excepté une affiche pour un match de football, une plante verte en phase terminale de dessèchement et quelques tables, il n’y a pas grand-chose à regarder. Emma me sourit. Je me lance - Tu viens souvent ici ? Je reconnais qu’on a déjà fait  mieux comme entrée en matière. - Je viens chaque fois que je n’ai pas envie de rentrer chez moi tout de suite. C’est comme un sursis  avant de retrouver Tom, ses couches sales, ses pleurs et la lessive. C’est pratique, pas loin du bureau et le serveur me laisse tranquille. - C’est à ce point pénible ? - Pénible, non. Mais j’imagine qu’il y a des femmes à qui ça convient bien. Pour moi ça reste une corvée. J’adore mon fils, mais l’amour ne veut pas dire obligatoirement torcher des mômes ou faire la boniche pour un mec.  Le quotidien, c’est ce qui nous tue à petit feu, non ?  Tu parles d'or. Tous les jours la même chose, il y a de quoi déprimer. Mais bon, j'imagine qu'on n'échappe pas à son destin. Elle sourit tristement. Mais même sans joie, son sourire me touche. J'ai envie de la voir sourire encore. A cet instant, je me rends compte que je n'ai pas envie qu'elle me quitte ce soir, ni demain, ni plus tard. Parce que j'ai envie d'être celui qui pourrait redonner un peu de gaieté à ce sourire, à son regard, à sa vie. Même si je sais que je ne serai jamais celui-là, parce que je n'ai jamais rendu personne heureux, à commencer par moi. J'aimerais être capable de la séduire, là maintenant, tout de suite, trouver les quelques phrases qui lui feraient oublier pendant quelques heures les couches, le ménage, sa  vie. Être drôle, brillant, lui faire comprendre d'un regard qu'elle compte. Un miroir derrière elle me renvoie l'image d'un type, perdu entre deux âges, qui joue nerveusement avec le papier d'emballage de son sucre, la jambe droite en perpétuelle agitation, marquent le rythme imaginaire de son inexistence. Je viens de descendre d'un coup deux échelons sur l'échelle pas bien haute de mon estime personnelle. Comme si j'en avais besoin, les circonstances me remettent à la place qui est mienne. Une fille me propose un café et déjà j’ambitionne de la séduire. Hé, ho, Greg, réveille toi là !! Tu te prends pour qui ? Redescends sur terre, ce n’est qu’un moment café, rien de plus et c’est déjà beaucoup pour toi. Je lui souris, comme pour partager la connivence de sa dernière phrase,  pour montrer que je suis sensible à son sens du second degré. Mais au fond, elle ne pouvait pas mieux dire. - J’imagine que si on regarde bien autour de soi, on  peut deviner que tout le monde s’arrange avec la vie, on fait avec ses désillusions, ses rêves qui se perdent, ses déceptions. Je me surprend moi-même, sortir une phrase aussi longue, sans avoir réfléchi, d'un trait. Je n'en reviens pas. Pour un peu, je serais fier de moi. Emma me regarde sans rien dire. J'imagine que le niveau de ma réponse la laisse bouche bée. Je souris, satisfait du petit effet que je viens de réussir.  Euh....tu sais , c'est pas non plus le goulag ou Cosette et les misérables. D'accord, je rigole pas tous les jours, mais ça va, je ne me plains pas. Les couches, tout ça , ce ne sont que des mauvais moments à passer. Dans quelques années ce sera oublié. Tu prends toujours tout au sérieux comme ça? T'as tout faux Greg, tu croyais marquer des points mais là, t'es dans un compte négatif.  Je plaisantais aussi. Désolé, je n'ai pas un humour très efficace. J'essaye de m'accrocher aux branches disponibles mais aucune d'elles n'est assez solides pour m'éviter de sombrer dans le ridicule.  Non, non, c'est moi. Je suis plutôt nulle pour comprendre les plaisanteries. Après un silence qui dure le temps necessaire pour le malaise s'estompe, Emma semble avoir à nouveau envie de parler.

Publicité
Publicité
Commentaires
K
Salut Sweetie<br /> l'est mal barré le pauv' Greg.Moi qui commençait à voir poindre le halo d'un timide et fragile soleil derrière sa tête!<br /> T'es vache avec lui quand même!<br /> bon allez on va dire que c'est juste reculer pour mieux....non ce serait inconvenant.<br /> En tout cas le style est toujours convaincant sauf quand t'oublies de taper les auxiliaires dans les temps composés mais c'est arrivé aux plus grands.<br /> Continue comme ça c'est parfait.
Publicité